Face à la réintroduction des néonicotinoïdes, la colère bourdonne...

Rédigé le 29/01/2021
Démo Appli


L’usage des néonicotinoïdes était interdit en France depuis le 1er septembre 2018, à la suite de la loi Biodiversité du 8 août 2016, que Le Journal du Parlement avait alors évoqué en ses pages. Cette interdiction avait été étendue aux substances similaires, même si des dérogations pouvaient être accordées jusqu’au 1er juillet 2020. Date à compter de laquelle il n’était plus possible, en vertu de l’article L.253-8 du Code rural et de la pêche maritime, d’utiliser de tels produits et des semences traitées avec des néonicotinoïdes. Or, aujourd’hui, la loi ré-autorise jusqu’en 2023 l’usage des insecticides néonicotinoïdes pour les seules cultures de la betterave sucrière, menacées par la jaunisse. Ce virus, transmis par des pucerons, entraîne des baisses de rendements et fragilise la filière. Un problème n'arrivant jamais seul, face à ce rétropédalage du Gouvernement, arriva ce qui devait arriver : les producteurs de maïs ont demandé, à leur tour, une telle dérogation...

Cette décision est décriée par les défenseurs des abeilles. Le texte prévoit en effet qu’un État membre de l’UE accorde l’utilisation d’un produit phytopharmaceutique qui n’a pas d’autorisation de mise sur le marché, durant 120 jours maximum, pour un usage limité et contrôlé lorsqu’il existe un « danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ». Résultat : pas moins de 11 pays ont dérogé à l’utilisation de produits néonicotinoïdes sur ce fondement en 2020 ! Des arrêtés conjoints des Ministres chargés de l’Agriculture et de l’Environnement doivent préciser les conditions d’interdiction de planter ou replanter des cultures attirant les abeilles après emploi de ces semences. Ces arrêtés sont pris après avis d’un Conseil de surveillance chargé de suivre et de contrôler la mise en œuvre d’alternatives aux produits comportant des néonicotinoïdes. Ce Conseil, composé notamment, de 4 Députés et 4 Sénateurs, doit s’assurer que la recherche sur les alternatives est conforme au Plan national en la matière, remis le 22 septembre 2020. Les deux Ministres prévoient de débloquer 5 millions d’euros pour la recherche d’alternatives. « Par alternatives, il faut entendre des solutions chimiques moins dangereuses », souligne Barbara Pompili, « mais aussi d’autres pratiques, des parcelles plus petites et/ ou converties au bio par exemple, qui peuvent contribuer à lutter contre la diffusion de virus ». Elle assure que « plus de 90 % des usages des néonicotinoïdes restent interdits ». Mais les défenseurs de l’environnement et les apiculteurs ne décolèrent et dénoncent un « recul inacceptable ». Et pour cause ! Ils craignent pour la santé des insectes pollinisateurs. Les Ministres, pour leur part, précisent que « les betteraves ne produisent pas de fleurs avant la période de récolte, ce qui circonscrit l’impact de ces insecticides sur les insectes pollinisateurs ».

Est-il besoin, cependant, de rappeler que la disparition progressive des abeilles est un fléau pour l’Humanité ?

 

On estime actuellement que plus d’un tiers des consommations humaines en fruits et légumes dépendent directement de la pollinisation des abeilles. La fin des abeilles signifie, à long terme, la disparition de nombreuses plantes, comme les cultures protéagineuses et oléagineuses ou les arbres fruitiers. Indépendamment de la chute actuelle de la production de miel, notre alimentation serait beaucoup moins diversifiée… Les pommiers, les mirabelliers, les cultures de colza, les tomates et les fraises, pour n’en citer que quelques-uns, disparaîtraient en un temps record. L’agriculture dans le monde en serait bouleversée et nous assisterions à des conséquences désastreuses sur la chaîne alimentaire, dont nous faisons partie. Une disparition totale des abeilles aurait également des conséquences économiques majeures.
Les abeilles sont donc la clé de voûte de notre sécurité alimentaire : 75 % de la production mondiale de nourriture dépend des insectes pollinisateurs; Entre 60 et 90 % des plantes sauvages ont besoin d'eux pour se reproduire et 265 milliards de dollars, c’est la valeur estimée du service rendu par la pollinisation dans le monde.

Face à la disparition progressive des pollinisateurs, la situation est alarmante. Concrètement, les néonicotinoïdes sont 100 fois plus toxiques que d’autres insecticides. Pour avoir une idée plus précise : 80 000 abeilles peuvent être tuées par un seul grain demaïs enduit de 0,5 mg de clothianidine (classe des néonicotinoïdes). À méditer…

Pauline Wirth du Verger